D’une rare singularité, les origines du Systema plongent leurs racines dans une histoire riche et fascinante. Évoluant au fil des siècles, il est le fruit d’une fusion entre les traditions de combat russes, les innovations militaires soviétiques, et des influences de la foi chrétienne orthodoxe. Le Systema est un art martial russe qui repose sur des principes plutôt que sur des techniques. Aujourd’hui enseigné à travers le monde, le Systema se distingue par sa fluidité, son adaptabilité, et son accent sur le développement personnel.
Avant de plonger plus profondément dans les racines du Systema, une précision linguistique mérite d’être abordée : l’usage de « le » ou « la ».
Clarification linguistique : Le Systema ou La Systema
Le Systema soulève une question linguistique en français. En russe, « système » est féminin, ce qui pousse certains à utiliser « la Systema » pour rester fidèles à l’origine du terme. D’autres préfèrent « le Systema », suivant la tendance française qui associe un genre masculin aux noms d’arts martiaux comme le judo ou le karaté. Il n’existe pas de règle officielle en français pour ce terme.
Dans un contexte d’inclusivité croissante, chacun peut décider du genre qui lui convient. Que l’on utilise « le » ou « la », l’essentiel est de se concentrer sur la pratique et le respect des principes du Systema, au-delà des distinctions linguistiques. Par manque de consensus, ce choix grammatical reflète alors une préférence personnelle.
Aux origines du Systema : les racines historiques
Le Systema s’enracine dans les techniques de combat des guerriers slaves médiévaux, comme les Bogatyrs et les Cosaques, célèbres pour leur bravoure et leur approche instinctive.
Ces techniques, adaptées aux terrains variés et aux conditions extrêmes de la Russie, permettaient aux belligérants de faire face à des envahisseurs dans diverses situations. Elles reposaient sur la force mentale, des tactiques novatrices et une grande polyvalence, formant les bases du combat libre et naturel du Systema moderne.
Cependant, la connexion entre les méthodes de combat anciennes et le Systema contemporain est controversée. Certains historiens estiment que cette corrélation est en partie mythique, amplifiée par le nationalisme soviétique. La documentation sur la continuité entre les arts martiaux russes anciens et le Systema est limitée, et les relations présumées pourraient être le résultat d’une désinformation des services secrets soviétiques cherchant à associer les créations soviétiques à un patrimoine russe traditionnel. En réalité, le Systema tel que nous le connaissons est surtout une invention du 20e siècle, ce qui rend difficile l’établissement de liens clairs avec des pratiques plus ancestrales.
Les historiens préfèrent donc voir le Systema comme une synthèse d’influences diverses et une évolution plus récente, plutôt qu’une suite directe avec les guerriers russes et slaves d'antan. Toutefois, malgré l'absence de consensus sur un lien direct entre les Cosaques et les arts martiaux russes modernes, il est indéniable que les Cosaques ont exercé une influence. En effet, les mouvements de populations dans ces régions ont façonné des méthodes de combat adaptées aux affrontements avec d'autres peuples ainsi qu'aux exigences de survie face à une diversité de topographies.
Le Systema sous le régime communiste
Après la révolution bolchévique de 1917, le régime communiste réprime les arts martiaux traditionnels. Le Systema est alors restreint à certaines divisions d’élite des forces soviétiques, tels les Spetsnaz (Forces spéciales). Classé secret défense, il était réservé à un usage strictement martial et servait à protéger les hauts dirigeants soviétiques, dont Staline. Son développement s’est fait en parallèle avec le sambo militaire et sportif, sous l’égide d’organisations gouvernementales comme le NKVD (qui est devenu plus tard le KGB).
Durant cette période, le Systema a évolué en intégrant des techniques psychophysiologiques axées sur la sensibilité kinesthésique et la conscience corporelle, permettant une discrétion extrême en combat. L’approche soviétique a mis l’accent sur le pragmatisme et l’efficacité, et le secret qui entoure le Systema a contribué à son mystère et à son élaboration confinée.
Le Samoz et le Sambo : deux systèmes de combat qui influencent le Systema
Le Systema moderne résulte d’un travail de recherche intensif réalisé par des générations d’instructeurs soviétiques de combat rapproché entre les années 1920 et 1980, à l’époque de l’ère soviétique. Durant cette période, deux systèmes se sont développés en parallèle : le Samoz et le Sambo.
Le terme Sambo, qui signifie « Système d'autodéfense sans armes », est une abréviation qui reflète l'essence même de ce système de combat créé par Viktor Spiridonov. En revanche, Samoz était un terme utilisé par Spiridonov et ses premiers élèves avant que « Sambo » ne devienne le nom officiel, servant de première étape dans la formalisation de ce système d'autodéfense.
Sambo : Un Système d'autodéfense reconnu
Le Sambo est un système d'autodéfense développé dans les années 1920 par Viktor Spiridonov en collaboration avec Vasili Oshchepkov et Anatoly Kharlampiev. Reconnu officiellement comme un sport, il combine des éléments de boxe, de lutte, de jiu-jitsu et de techniques de combat adaptées aux situations réelles. Ce système se distingue par son approche pragmatique, visant à être accessible à tous, indépendamment de la taille ou de la condition physique. Avec des compétitions et des règles bien établies, le Sambo a acquis une reconnaissance internationale. En mettant l'accent sur l'efficacité, la rapidité et l'adaptabilité, il est devenu un art martial respecté, intégré dans les programmes d'entraînement militaires et civils. Par exemple, les techniques de projection et de contrôle au sol sont souvent mises en avant lors des compétitions, illustrant l’aspect pratique du Sambo.
Samoz : Les premières ébauches d'un système
Le terme Samoz désigne les premières idées et techniques développées par Viktor Spiridonov avant l'adoption du nom Sambo. Bien que Samoz ait servi de base à ce qui allait devenir le Sambo, il ne bénéficiait pas de la même reconnaissance ni de la formalisation que ce dernier. Samoz représentait une phase d'expérimentation où Spiridonov testait et affinait ses méthodes d'autodéfense. Ce terme, moins structuré, reflète les débuts d'une approche innovante de la lutte et de l'autodéfense, mais il n'a pas été formellement codifié comme le Sambo. En tant que telles, les techniques de Samoz incluent des éléments similaires à celles du Sambo, mais sans le cadre compétitif et les règles qui caractérisent ce dernier.
Points communs et différences du Samoz et du Sambo
Les deux systèmes partagent des origines communes, avec Viktor Spiridonov comme figure centrale. Tous deux mettent l'accent sur l'efficacité et l'adaptabilité des techniques de combat. Cependant, la principale différence réside dans leur statut : le Sambo est un système structuré et reconnu à l'échelle internationale, tandis que le Samoz représente une phase exploratoire, sans la même formalisation ni reconnaissance officielle. En somme, le Sambo a évolué à partir des principes établis durant la période de Samoz, mais a su se démarquer par son développement organisé et ses applications pratiques.
L’approche éclectique du Systema
Le Systema, influencé par le Samoz et le Sambo, partage une approche adaptative visant à maximiser l’efficacité. Le Systema met l’accent sur l’économie de mouvement, la biomécanique et l’utilisation minimale d’énergie. Ce style de combat se distingue par sa polyvalence et son absence de techniques formelles, favorisant l’improvisation et la réaction rapide. Par exemple, les pratiquants apprennent à s’adapter à diverses situations de combat en utilisant leur environnement, ce qui démontre la nature dynamique et flexible du Systema.
Le renouveau du Systema après la guerre froide
Après la dissolution de l’Union soviétique en 1991, le Systema a su évoluer pour quitter le domaine militaire et se rendre accessible au grand public. Trois écoles de pensée principales ont émergé, chacune enrichissant le Systema avec sa propre perspective : Mikhail Ryabko, Alekseï Kadochnikov, et Vadim Starov. Bien que partageant des racines communes dans les arts martiaux russes et l’expérience militaire, leurs approches diffèrent notablement en matière de philosophie et de méthodologie.
Le Systema Ryabko
Mikhail Ryabko, formé dès l’enfance par un garde du corps de Staline et membre des Spetsnaz à 15 ans, propose un Systema holistique. Sa méthode combine approche du combat et bien-être, intégrant des pratiques telles que les exercices dans l’eau froide et les frappes « curatives », fondées sur le postulat du « Connais-toi toi-même » (Poznai Sebia). En collaboration avec son élève Vladimir Vasiliev, Ryabko élabore un Systema adaptable, axé sur la décontraction, la respiration, et les mouvements naturels. Cette approche ne repose pas sur des techniques codifiées, mais sur des principes fondamentaux permettant de réagir instinctivement face à l’adversité, transformant le Systema en un véritable art de vivre.
La méthode Kadochnikov
Alexei Kadochnikov, ancien officier-plongeur de combat et ingénieur-physicien, a développé une version du Systema dans les années 1960 avec une approche scientifique. Sa méthode, intégrant biomécanique, mathématiques et psychologie, est conçue pour s’adapter à diverses situations d’affrontement, permettant même aux individus affaiblis de se défendre efficacement contre des adversaires plus puissants. En plus du combat, le Systema Kadochnikov inclut des formations en survie, franchissement d’obstacles, cartographie, et préparation militaire. Testée en conditions réelles par les forces spéciales, cette méthode vise à améliorer la maîtrise du corps et de l’esprit, optimisant chaque mouvement pour maximiser l’efficience.
Le Systema militaire Spetsnaz
Vadim Starov a développé le Systema Spetsnaz en mettant l’accent sur les techniques de combat militaire des Spetsnaz, les forces spéciales russes. Son approche pragmatique se concentre sur la psychologie de l’affrontement, la manipulation articulaire et les frappes précises, visant à neutraliser rapidement un adversaire. Contrairement aux méthodes plus intuitives de Ryabko ou plus scientifiques de Kadochnikov, le Systema Spetsnaz est conçu pour fournir un avantage immédiat en conditions de stress extrême. Moins orienté vers le développement personnel, il reste un système prisé des forces militaires et de sécurité pour son application pratique et directe.
Malgré leurs différences, ces trois écoles poursuivent un objectif commun : former des hommes et des femmes capables de s’adapter à toute situation conflictuelle avec intelligence et efficacité. Elles illustrent la richesse et la diversité de l’héritage martial russe, offrant des perspectives complémentaires dans cet art de combat unique.
Philosophie du Systema et aspects spirituels
Le Systema se distingue par son approche basée sur des principes fondamentaux tels que la respiration, la relaxation, la structure et le mouvement. Les pratiquants apprennent à harmoniser leur esprit et leur corps en intégrant ces principes dans chaque action. Cette méthode leur permet de réagir de manière plus instinctive et efficace.
Ces quatre principes, au cœur de l’entraînement, optimisent la performance en combat, mais favorisent également une meilleure gestion des situations oppressantes dans la vie quotidienne ainsi que de maintenir le calme en situation de conflit. Les pratiquants apprennent à rester lucides, à réagir de manière fluide et naturelle, et à utiliser ces compétences pour améliorer leur tranquillité intérieure.
L’impact spirituel du Systema se manifeste dans le développement personnel et l’équilibre interne. Les pratiquants cherchent à atteindre une symbiose entre leur corps et leur esprit, ce qui conduit à une vie plus consciente et pondérée. La pratique encourage également l’humilité et l’autoréflexion, favorisant une approche respectueuse et bienveillante, même en situation de combat.
En somme, le Systema propose un cheminement individuel profond, visant à étendre non seulement des compétences de combat, mais aussi une stabilité entre le corps et l’esprit, enrichissant ainsi la vie des pratiquants sur de nombreux niveaux.
Le Systema à travers le monde : une discipline en pleine expansion
Aujourd’hui, le Systema a transcendé ses origines militaires pour se diffuser à l’échelle internationale, captivant un public civil de plus en plus large. Sa philosophie unique, basée sur la maîtrise du corps, de l’esprit et des émotions, en fait un art martial singulier. Mais où se pratique-t-il, et comment s’est-il propagé ?
Russie : Le Systema est toujours enseigné dans les milieux militaires et aux forces spéciales. Bien que sa pratique civile se soit développée, il conserve dans ce pays une dimension patriotique et respectée pour son efficacité redoutable. Les instructeurs en Russie restent fidèles aux techniques originelles tout en les adaptant aux besoins modernes.
Canada : L’une des figures majeures du Systema, Vladimir Vasiliev, a joué un rôle clé dans la diffusion de cette discipline en dehors de la Russie. Son école basée à Toronto est apparue comme un pôle de formation incontournable pour ceux qui souhaitent approfondir cet art martial. Grâce à lui, le Canada est devenu un cœur névralgique du Systema, attirant des pratiquants du monde entier.
États-Unis : Un développement impressionnant aux États-Unis, le Systema connaît un grand succès avec des écoles et des séminaires dans de nombreuses villes : New York, Los Angeles et Maryland. Des instructeurs comme Jim Eglin y dispensent les enseignements de Vladimir Vasiliev, en mettant l’accent sur des valeurs de relaxation, de fluidité dans les mouvements et de gestion du stress.
Europe : Une diffusion en constante progression en Europe, plusieurs pays ont adopté le Systema, notamment la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, et le Royaume-Uni. Des séminaires et des stages y sont régulièrement organisés. En France, par exemple, le Systema gagne en popularité avec des pratiquants séduits par sa démarche non conventionnelle des arts martiaux, axée sur la maîtrise de soi et la respiration. Des instructeurs comme Jacques Lecomte pour la Systema méthode Maksimtsov ou Jérome Kadian pour le Systema méthode Talanov proposent régulièrement des séminaires en France.
Océanie : Une nouvelle vague de pratiquants en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Nouvelle-Calédonie. Le Systema prospère rapidement, particulièrement dans les grandes villes comme Sydney et Melbourne. Là encore, son approche fluide et adaptable attire de nombreuses personnes.
Asie : Bien que relativement nouveau dans certaines parties de l'Asie, le Systema commence à attirer davantage d'attention, notamment dans des pays comme le Japon, la Chine et la Corée du Sud, où les arts martiaux sont profondément ancrés dans la culture. La dimension philosophique du Systema, avec son accent sur l'équilibre, la respiration et la fluidité, résonne avec les valeurs des arts martiaux orientaux tels que le Tai Chi, l'Aïkido et le Kung Fu. En conséquence, il trouve progressivement sa place parmi les pratiquants en quête d'une alternative aux arts martiaux traditionnels.
L'avenir du Systema
L'adaptabilité du Systema et la diversité des approches proposées par les différentes écoles lui confèrent un potentiel de croissance significatif. Il se distingue dans le monde des arts martiaux grâce à son entraînement non technique et basé sur des principes, en mettant l'accent sur la maîtrise de soi plutôt que sur la simple maîtrise des techniques. Cet aspect unique permet aux pratiquants de divers horizons et niveaux de compétence d'en bénéficier, qu'il s'agisse de combattants expérimentés, de professionnels de la sécurité ou de personnes cherchant simplement à se développer personnellement et à mieux gérer leur stress.
Dans un monde de plus en plus rapide, rempli de pressions extérieures, les valeurs de relaxation, de maîtrise de soi et d'équilibre intérieur que le Systema promeut deviennent de plus en plus pertinentes. Ce n'est pas seulement une méthode de combat, c'est un outil d'amélioration de la qualité de vie, aidant les individus à aborder leurs défis quotidiens avec plus de calme, de concentration et de conscience.
L'avenir du Systema réside non seulement dans sa poursuite au sein de la sphère militaire, mais aussi dans son potentiel en tant que pratique civile. Avec des instructeurs et des écoles qui émergent partout dans le monde, des séminaires organisés dans diverses langues, et un intérêt croissant venant de différents contextes culturels, l'art du Systema est bien placé pour être plus qu'une discipline de niche. À mesure que davantage de personnes découvrent ses bienfaits — physiques, mentaux et spirituels — le Systema pourrait bien devenir une pratique courante dans la communauté des arts martiaux.
Alors, pourquoi ne pas tenter l’expérience et découvrir où ce chemin pourrait vous mener ?
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